Par Rémy – Professeur de Yin Yoga et Somayin , anatomie vivante & traditions orientales
Le Yin Yoga, basé su 5 piliers fondamentaux, est un pont entre l’anatomie des fascias et les sagesses du Tao. Le yin yoga ne se résume alors pas à “tenir longtemps une posture”. C’est une pratique de l’être. Une descente lente, consciente, vers ce qui est vivant, fluide, parfois oublié. Depuis les chaînes des fascia ou myofasciales d’Anatomy Trains jusqu’à la régulation du système nerveux autonome, depuis les méridiens du Tao jusqu’à la méditation en zazen, le Yin Yoga touche à toutes les dimensions de l’être. Aujourd’hui, je vous propose une plongée dans les 5 piliers fodamentaux du Yin yoga — et pourquoi ils résonnent si profondément dans le corps et l’âme de nos élèves.
1. Le relâchement musculaire : s’abandonner pleinement
« Moins faire pour mieux être »
Dans le Yin Yoga, nous relâchons l’effort musculaire pour laisser place à une mobilisation passive du tissu conjonctif. C’est là que les fascias, ces tissus en réseau décrits par Thomas Myers, deviennent le cœur du travail.
Se déposer pleinement pour accéder aux tissus profonds : fascias, ligaments, articulations. Ce relâchement active le système parasympathique, nourrit les tissus, et nous initie à l’art du non-agir, inspiré du Wu Wei du Tao. Une invitation radicale à ralentir dans une société qui pousse au “toujours plus”.
Selon Anatomy Trains, le relâchement permet à la gravité et au souffle de solliciter les chaînes myofasciales dans leur globalité — sans créer de brisure ou de contraction parasite. Sur le plan neurophysiologique, cette absence d’effort active le système parasympathique — notamment via le nerf vague ventral, chemin royal vers la détente, la digestion et la sécurité intérieure.C’est aussi un geste profondément psychosomatique : apprendre à ne plus faire, c’est autoriser une transformation lente et durable.
En Taoïsme, c’est le Wu Wei : agir sans forcer, laisser faire.
Dans notre société du “toujours plus”, cet abandon devient un acte de résistance douce.
2. Le temps long : transformer depuis la profondeur
« Dans l’immobilité surgit le mouvement intérieur »
Les postures tenues plusieurs minutes sont l’ADN du Yin Yoga. Cela permet une déformation lente et réversible des fascias, favorisant leur hydratation et leur plasticité, comme le souligne la recherche en biotenségrité (Dr. Stephen Levin, Schleip). Tenir une posture plusieurs minutes permet un remodelage myofascial profond, une meilleure circulation énergétique (Qi/Prana) et un apaisement progressif du mental. Ce temps long est un retour au rythme du vivant, un acte de résistance douce face à la culture de l’instantanéité
🔸 Sur le plan énergétique, ce temps long réactive la circulation du Qi le long des méridiens.
🔸 Sur le plan neuro-endocrinien, il favorise la sécrétion de sérotonine et d’ocytocine, apaisant le système nerveux et renforçant la connexion à soi.
🔸 Sur le plan des fascias, il permet de restaurer la glisse des couches conjonctives, ce qui améliore la mobilité articulaire et réduit les adhérences.
Le temps long, c’est l’antidote au stress chronique.
C’est là que la neuroception de sécurité (Stephen Porges) peut émerger, et que le système nerveux peut vraiment se réparer.
3. L’inconfort accueilli : habiter la réalité nue
« Accueillir sans fuir »
Le Yin Yoga explore des zones d’inconfort contrôlé — non douloureuses mais intenses. Cela stimule les zones de stagnation, souvent liées à des blocages myofasciaux ou émotionnels.
Quand le mouvement cesse de lui-même, que le corps guide pour s’installer dans une forme juste, sans douleur, mais suffisamment stimulant pour éveiller les mémoires tissulaires et les résistances mentales. C’est un espace de résilience et de transformation, où l’on apprend à accueillir ce qui est, le dukkha bouddhiste, et l’équilibre yin-yang du Tao.
Selon les principes d’Anatomy Trains, ces zones sont souvent des “carrefours” de tension, où plusieurs lignes de fascias ou lignes myofasciales se croisent (par exemple au bassin, au diaphragme, aux épaules). Rester dans l’inconfort permet d’activer une forme d’homéostasie tissulaire et émotionnelle, en travaillant avec la tolérance du système nerveux (Window of Tolerance, Dan Siegel). Cela favorise une résilience incarnée, où le corps devient capable de contenir davantage sans se dissocier ou s’effondrer.
En bouddhisme, on parle de dukkha : la souffrance inévitable.
Mais aussi de sati : la pleine conscience de ce qui est.
4. Le silence : entendre l’essentiel
« Ce que l’on ne peut entendre qu’en cessant de faire du bruit »
Le silence dans le Yin Yoga n’est pas seulement l’absence de mots. C’est un espace intérieur, une fenêtre d’autorégulation. Dans l’immobilité silencieuse, le système nerveux se régule, le nerf vague s’active, et le corps subtil se rend audible. Le silence devient un outil d’écoute profonde, un retour à l’essentiel. C’est un lieu de méditation incarnée, dans la lignée du Dhyana et du Shikantaza, ne rien chercher à atteindre, ne pas vouloir « bien faire », mais habiter pleinement le moment, la posture, le souffle.
🔸 En ralentissant, on stimule le nerf vague ventral, responsable de la relaxation, de l’attachement sécure et de la digestion.
🔸 C’est dans ce silence que le corps subtil devient perceptible : pulsations énergétiques, émotions enfouies, élans intuitifs.
🔸 Cette dimension correspond à l’intelligence interoceptive (Antonio Damasio, Lisa Feldman Barrett) — la capacité de sentir les signaux internes, base de la conscience corporelle.
Le silence est aussi un pilier du zazen : s’asseoir, sans chercher.
Dans une culture saturée de stimuli, offrir un espace vide est une médecine.
5. L’intention énergétique : activer le Qi et le Prana
« Chaque posture peut devenir une acupuncture en mouvement »
Le Yin Yoga travaille avec les méridiens (MTC) ou les nadis (yoga) — selon le prisme choisi. Les postures créent une compression ou une traction spécifique sur certains canaux énergétiques, permettant une libération du Qi (Tao) / Prana (yoga), un rééquilibrage des émotions associées aux organes, et restaure la fluidité vitale. Une synergie entre la Médecine Chinoise, le yoga énergétique et les lignes fasciales d’Anatomy Trains.
C’est une pratique qui entrelace anatomie des fascias et circulation subtile : les méridiens et les chaînes myofasciales partagent des trajectoires et des effets. En ciblant certaines zones, on agit aussi sur les organes associés et leurs émotions (ex : tristesse ↔ poumons, peur ↔ reins). Sur le plan somatique, cela permet une régulation émotionnelle intégrée, par le corps et non uniquement par le mental.
En Taoïsme, faire circuler le Qi est une forme d’alchimie.
En Yoga, le Prana vital nourrit les koshas, nos couches d’être.
En Yin, ces systèmes se rencontrent.
Je te propose un tableau croisé synthétique qui relie les éléments clés de la pratique du Yin Yoga : fascias (Anatomy Trains), méridiens (MTC), organes, émotions associées et postures types. Il peut t’aider à construire ou affiner tes séances selon un axe thérapeutique précis :
Chaîne myofasciale (Anatomy Trains) | Méridien(s) MTC associé(s) | Organe(s) | Émotion(s) | Posture(s) Yin typique(s) |
---|---|---|---|---|
Ligne superficielle postérieure | Vessie (Tai Yang) | Vessie, Reins | Peur, insécurité | Chenille, Libellule, Dragon couché |
Ligne superficielle antérieure | Estomac, Rate-Pancréas | Estomac, Rate | Ruminations, soucis, digestion | Sphinx, Sella, Banane |
Ligne latérale | Vésicule biliaire, Foie | Foie, VB | Colère, frustration, vision | Banane, Cerf, Libellule sur le côté |
Ligne spirale / oblique | Triple Réchauffeur, Maître-Cœur | Système endocrinien, cœur | Joie, euphorie ou repli affectif | Demi-pont, Anahatasana (Cœur fondu) |
Ligne profonde frontale (core line) | Rein, Foie, Cœur | Reins, Foie, Cœur | Volonté, clarté, équilibre émotionnel | Sphinx, Saddle (Selle), Libellule assise |
Ligne bras (anatomie fonctionnelle) | Cœur, Intestin grêle, Poumons, Gros Intestin | Cœur, Poumons | Joie, tristesse, deuil | Ailes d’ange, Main sur le cœur, Twist assis |
- Fascias = structure + réseau d’intelligence sensorielle.En Yin Yoga, on sollicite certaines chaînes via des étirements tenus passivement, ce qui favorise la plasticité tissulaire (viscoélasticité) et la réhydratation.
- Méridiens = canaux de circulation énergétique.
Inspirés de la Médecine Chinoise, chaque méridien est lié à un organe, une saison, une émotion et une qualité énergétique (Yin/Yang, Bois, Métal, etc.). - Organe = réservoir psycho-énergétique.
Dans les traditions orientales, chaque organe est porteur d’une émotion archétypale. Par exemple, le Foie est associé à la colère, mais aussi à la vision et à la planification. - Émotion = signal énergétique.
On n’essaie pas de “se débarrasser” d’une émotion, mais de la traverser, de lui redonner un chemin de sortie via le corps. - Postures = portails d’alchimie somatique.
Chacune peut être choisie comme une acupuncture posturale, selon l’intention thérapeutique ou énergétique de la séance.
Conclusion : union du Tao et des Fascias dans le Yin yoga contrer un monde fragmenté
Le Yin Yoga est bien plus qu’un style. C’est un espace de transformation incarnée. Une réponse poétique, subtile, profonde à la crise du rythme, à la perte de sens, à la dislocation du corps-esprit.
🧘♀️ En tant qu’enseignant·e, incarner ces 5 piliers dans ta pédagogie, c’est offrir un espace de réparation.
C’est inviter les élèves à :
- habiter leur corps comme un temple
- écouter ce qui se dit dans le silence
- transformer le stress en présence
💬 Et toi, enseignant·e, praticien·ne, passionné·e…
Quel pilier du Yin Yoga souhaites-tu approfondir en ce moment ?
As-tu intégré la lecture des chaînes myofasciales dans ta transmission ?
Travailles-tu avec le nerf vague, les méridiens, les émotions organiques ?
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